Et si la tempête qui nous menace suspend un peu sa fureur, nous serons auprès de Jean-Noël, d'Anne et de leurs petites filles... Je suis sûre que cet au-revoir, cet A-Dieu, ne seront pas tristes. Il y aura certainement beaucoup d'émotion... Mais l'Espérance et la Joie d' Anne et de Jean-Noël continueront à souffer sur la blogosphère pour très longtemps...
Je ne remercierai jamais assez le Ciel de les avoir placés sur notre chemin, à un moment où nous avions tant besoin de dépasser nos propres soucis...
Maintenant, nous reste à espérer que la météo nous épargne et nous permette d'être à l'heure à ce beau rendez-vous de l'Amitié...
"Puisque je suis l'objet du divin bon plaisir,
Je n'ai pas de regrets n'ayant pas de désirs,
Tout me venant de Dieu, de tout je me contente.
Je vais à lui pour tout, d'une âme confiante,
Car sur son Cœur je sais pouvoir toujours compter,
Aussi je ne saurais de quoi me tourmenter.
A vous donc, ô Jésus, la force de mon être.
Il ne m'importe plus que de vous bien connaître.
Le passé, l'avenir ne sont plus rien pour moi.
Dans le moment présent, l'amour seul fait ma loi.
Je ne puis avec Lui jamais avoir de doutes.
Sublime précurseur, il aplanit ma route.
Non, je ne sais plus rien, je ne sais plus qu'aimer.
J'ai plus besoin d'amour que d'air pour respirer.
Je sens toujours mon cœur battre dans ma poitrine,
Mais je soupire après l'alliance divine."
Marthe Robin (22 octobre 1936)
Marthe Robin naît le 13 mars 1902 dans la modeste ferme familiale, à Châteauneuf-de-Galaure (Drôme). Ses parents, Joseph et Amélie, ont déjà cinq enfants : Célina, Marie-Gabrielle, Alice-Victorine, Henri-Joseph, Clémence. Le père a la réputation d’un homme affable, mais autoritaire, très habile de ses mains ; la mère est une femme souriante et accueillante. Le bruit a couru que Marthe n’était pas la fille légitime de son père : Amélie aurait eu une aventure avec un ouvrier de ferme. Elle-même en aurait été persuadée. Quoi qu’il en soit, le père reconnaît Marthe comme sa fille. En novembre 1903, la maisonnée est fortement ébranlée par une fièvre typhoïde. Le grand-père en meurt. La petite Clémence décède à son tour et Marthe, 20 mois, considérée comme perdue, finit par se rétablir. Mais elle restera fragile. Marthe Robin a l’enfance d’une petite fille de la campagne, proche de la nature et des animaux. Dès que les enfants en sont capables, ils aident à de petits travaux. Ses parents sont croyants mais ne pratiquent pas. Marthe, quant à elle, expérimente déjà la prière : “J’ai toujours énormément aimé le Bon Dieu… et toujours énormément prié dans ma vie.” Souffrant du manque de pratique de sa famille, elle dira en 1930 : “Ce que je demande surtout, c’est le retour à la foi, aux pratiques religieuses de mes bons parents.” La fillette fait sa communion privée en 1912. “Je crois qu’elle a été une prise de possession de Notre Seigneur. Déjà il s’est emparé de moi. Ça a été quelque chose de très doux.” Elle a déjà une intimité avec Dieu. “Je crois que je sentais le Bon Dieu : c’était plus que de la prière. D’ailleurs je le trouvais partout, dans la nature… dans le prochain, et dans le prêtre… J’aimais beaucoup les malades, et j’aurais franchi monts et vaux pour aller voir un malade, non pour le soigner, mais pour l’aimer.” Marthe quitte l’école en 1915, elle aide à la ferme, apprenant les mille métiers des femmes de la campagne, et aussi à cuisiner et à broder. Au moment où sa personnalité se constitue, elle apparaît comme une fille intelligente, joyeuse, serviable, volontiers taquine, ce que révèle un vrai sens de l’humour et un contact agréable avec les personnes. Elle a du caractère. C’est une petite paysanne saine et pieuse, comme il y en a sans doute beaucoup dans la France d’alors.
Durant l’été 1918, Marthe Robin ne se sent pas bien. Elle souffre de maux de tête, de fièvres, de douleurs oculaires, de vomissements. Le 1er décembre 1918, “avant midi, je m’abattis sur le sol… demandant un docteur à grands cris.” Les médecins pensent à une tumeur cérébrale. Marthe tombe dans un coma qui dure quatre jours. Elle reçoit le sacrement des malades. Elle sort cependant de cette phase aigüe et se rétablit un peu pendant quelques semaines. Mais de nouveau la maladie progresse, si bien que, pendant vingt-sept mois, elle connaît une sorte d’état léthargique. Elle est couchée, ne supporte pas la lumière, aussi la chambre est-elle plongée dans le noir. Elle est paralysée d’un côté. Elle souffre énormément, jour et nuit. À cette époque, on ne sait pas bien soulager la douleur. Et comment paierait-on un traitement prolongé ou un séjour à l’hôpital ? En juillet 1919, la maladie s’aggrave encore : contractures musculaires, troubles du sommeil, de la digestion et de la vue jusqu’à la perte de la vision pendant quelques mois. On a beaucoup de mal à l’alimenter. En avril-mai 1921, nouvelle période de rémission. Marthe recommence à marcher, elle retrouve la vision. Mais la maladie reprend dès novembre. De nouveau, les jambes se paralysent. À cela s’associent des douleurs dans le dos. Puis une nouvelle fois, la locomotion redevient possible.
1922 est une période plus paisible, où Marthe recommence à travailler. L’une de ses amies déclare : “Elle était très adroite et travaillait très bien, elle ne voulait pas être à la charge de ses parents.” En juin 1926, elle écrit : “Je suis de plus en plus patraque.” Elle continue cependant à broder. En octobre 1927, une nouvelle crise survient, caractérisée par des douleurs très vives à l’estomac et une hémorragie digestive. On donne de nouveau à Marthe le sacrement des malades, elle entre en agonie, et demeure dans une sorte de coma trois semaines durant. Cependant, une fois encore, elle émerge de la crise, sans toutefois récupérer vraiment. À partir de mai 1928, elle ne se relèvera pas. La paralysie des membres inférieurs ne reculera plus. Les jambes se replient progressivement sous elle. Elle souffre en permanence. Elle est malmenée, tant et si bien qu’elle pousse parfois des cris de douleur.
Une interprétation médicale
Il apparaît que Marthe Robin a été atteinte d’une encéphalite, probablement sous la forme de la maladie de Von Economo, c’est-à-dire d’une affection inflammatoire des centres nerveux. L’encéphalite ne porte pas que sur le corps, elle atteint tout l’être, en particulier la personnalité elle-même. La personne perd ses repères, elle peut finir par s’autodétruire devant la violence de ce qui l’agresse. Marthe n’est plus autonome. Sa maman est donc obligée de lui consacrer un temps précieux. Elle coûte de l’argent. La famille, qui a déjà vécu de lourdes épreuves, est dans l’impasse. Le père déclare “Qu’est-ce que j’ai fait (au Bon Dieu) pour avoir une fille pareille ?” Le père et le frère s’éloignent affectivement de Marthe, sans doute pour se protéger. “Qu’il m’est dur de côtoyer des indifférents, parfois des blessants”, avoue Marthe en parlant des siens. La maman, pourtant, veille sur sa fille. Au pays, on est déconcerté devant cette maladie qui ne semble pas ordinaire, et on la juge sévèrement. Venue de Charcot et de l’école de psychiatrie de La Salpêtrière, la catégorie de “l’hystérie” s’impose à cette époque dans un public plus ou moins cultivé et on ne tarde pas à l’appliquer à Marthe. Elle est alors complètement isolée, seule avec sa souffrance et son ennui. En 1923, arrive à Châteauneuf l’abbé Faure, le nouveau curé, un homme énergique, décidé à réagir à la déchristianisation en marche. C’est une personnalité un peu bourrue, mais que l’on n’hésite pas à comparer parfois au curé d’Ars. Ses premières relations avec Marthe sont difficiles. Elle écrit : “Monsieur le curé a un cœur d’or sous une écorce de chêne et, je le crains, il ne me comprend pas toujours.” La famille de Marthe accepte mal les visites du curé. Sans doute craint-elle qu’on dise qu’ils sont devenus pieux, proches de l’Église. Marthe doit lui faire dire de ne plus venir. Cela le blesse. La relation ne commence à s’améliorer qu’en 1927 lorsque Marthe étant mourante, il lui donne les derniers sacrements. Cette fois le contact s’établit : en l’abbé Faure, elle a enfin trouvé un vrai soutien spirituel.
Ses premières amitiés
Marthe a un cœur bon et sensible. Elle est tournée vers les autres, en demande d’affection et d’échanges. Elle a quelques amies très fidèles. Ces amitiés sont extrêmement précieuses pour Marthe. Elles l’ouvrent à la vie, l’empêchent de s’engloutir dans sa souffrance. Surtout, Marthe a l’impression de compter enfin pour quelques personnes. Elle est reconnue dans ce qu’elle est. Elle n’est plus seulement “un boulet” ou “celle qui est bizarre”. Elle peut parler, se confier…
Un choix décisif
Le 22 janvier 1930, Marthe Robin écrit dans son Journal : “Après des années d’angoisses, de péchés, après bien des épreuves physiques et morales, j’ai osé, j’ai choisi le Christ Jésus.”
Dans l’histoire de l’Église, les missions paroissiales ont représenté un élément parfois décisif pour convertir ou reconvertir les paroisses. Les curés faisaient venir des prédicateurs dits “extraordinaires” pour une durée de quelques semaines. En novembre 1928, il y a eu, à Châteauneuf-de-Galaure, une mission prêchée, à la demande de l’abbé Faure, curé de la paroisse, par deux Capucins de Lyon. Selon le témoignage du curé, ce ne fut pas une réussite : “Quelques rares retours (à la pratique religieuse, ndlr), mais sans persévérance pour la plupart.”
Une visite décisive
L’un des prédicateurs est le père Marie-Bernard, de Marseille (Bernard Spagnol, 1883-1943). Il est l’auteur d’un ouvrage sur Thérèse de l’Enfant-Jésus, Message nouveau. Il est connu également pour sa dévotion aux Saints Cœurs de Jésus et de Marie. Homme de foi, ardent, lancé dans l’évangélisation, il ne jouit pas toujours d’un bon discernement, et le reconnaît lui-même : il était taillé davantage en force qu’en finesse. Mais, en 1928, il est l’homme de la situation. À défaut de réussir à la paroisse de Châteauneuf, il va être le canal de la grâce auprès de Marthe Robin. Au cours de ces missions, les religieux rencontrent les familles et sont particulièrement attentifs aux souffrants. Le lundi 3 décembre, le père Marie-Bernard et son confrère vont rendre visite à Marthe. Quelques jours plus tard, Marthe parle de cette visite à Mme Bonnet1 : “Sœur Lautru, dit-elle, m’a bien dit de faire mon journal et je l’ai fait, mais cette semaine, j’ai laissé une page toute blanche et personne ne saura ce qui s’est passé chez moi. “Oh pourquoi, lui dis-je, ne pas les écrire, ces belles pages ? Quel jour avez-vous sauté ?” “Lundi, je me suis confessée au père Marie-Bernard puis entre ma confession et ma communion, ma page restera blanche et l’on ne saura qu’au Ciel ce qui s’est passé.” Quelques jours après, je lui demandai si sa page était toujours blanche, si son humilité lui faisait toujours cacher ce qui s’était passé. “M. le curé sait”, me dit-elle.”
Il s’est produit un événement dans la vie de Marthe au cours de cette visite. Plus jamais elle ne sera la même. C’est dans la conversation avec le père Marie-Bernard que les choses se sont jouées. Peu de temps après, Marthe conseillera à son amie Gisèle Boutteville d’aller voir à Lyon le père Marie-Bernard : “Il vous comprendra… vous voyez, j’ai une autre orientation de vie.” Le père Marie-Bernard a donc été capable de la comprendre. Les choses ont dû être très simples. Il a probablement reconnu et validé les grâces mystiques de Marthe. La spiritualité des Capucins repose sur l’expérience de saint François d’Assise qui a été comme “identifié” au Christ : ce qu’a vécu le Christ, François a été appelé à le vivre à sa manière. Saint Paul disait : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.” François d’Assise a été, comme saint Paul, “envahi” par le Christ, configuré à Jésus, et il a même reçu dans son corps les stigmates de sa Passion. La souffrance de François, qui a été vive durant son existence, a été transformée, transfigurée en amour. Le père Marie-Bernard a sans doute dit à Marthe que sa vocation était d’être, comme François d’Assise, tellement unie à Jésus que celui-ci voulait vivre en elle. C’est le grand choix.
Une grâce de l’Esprit
Éclairée d’en haut, Marthe Robin comprend que cet appel est juste et tout se met en place. Elle reçoit comme une “effusion de l’Esprit”, selon le terme consacré. L’Esprit Saint s’empare d’elle et lui donne à la fois sa mission et la force d’y répondre. Elle peut alors écrire justement dans son Journal : “Plus ma vie sera soumise à Dieu et conforme avec celle du Rédempteur, plus je participerai à l’achèvement de son œuvre. Ainsi, unissant à l’oblation de la victime infinie mon travail obscur, mes pauvres petites actions, mes prières inconnues des hommes, tous mes sacrifices, toutes mes souffrances et mes immolations, et même la stérilité apparente de ma vie, je suis sûre, non seulement de travailler à ma propre sanctification, mais de donner à Dieu une immense couronne d’élus.” Pour l’aider, le père Marie-Bernard lui a demandé de ne plus lire de lectures profanes, ni même des lectures religieuses ne tendant pas directement à la vie spirituelle. Il a entrepris d’établir une plus grande confiance entre elle et l’abbé Faure en se portant garant de Marthe auprès du curé. Puis se produit un événement qui la confirme complètement dans le “basculement” qu’elle venait d’opérer et lui donne les moyens d’avancer.
Elle choisit d’offrir sa souffrance
L’abbé Faure nous a laissé un témoignage de cet événement confirmatif. Il écrit : “Elle craignait de s’être aventurée lorsque dans la nuit du 4 au 5 décembre, Notre-Seigneur lui apparut et après l’avoir rassurée par trois fois, lui demanda si elle consentait à souffrir pour la conversion des pécheurs en général et de Châteauneuf en particulier et, en même temps, il lui dit qu’il voulait que je sois son père spirituel et qu’il y ait entre nous une union toute particulière. À chaque réponse affirmative, elle sentit et vit un glaive qui chaque fois s’enfonçait profondément dans son cœur. À partir de ce jour-là, la voilà donc entièrement vouée à Dieu et décidée à accepter toutes les épreuves pour les pauvres pécheurs et seul Notre-Seigneur saura ce qu’elle a enduré depuis.”
Notre ami Jean-Noël est parti le jour anniversaire de la mort de Marthe Robin, un clin-Dieu comme le dit si joliment, Anne sa chère épouse...